Des vestiges énigmatiques

 

Deux hameaux désertés composés de cases construites en pierres sèches ont été recensés sur la commune de Saint-Sauves d'Auvergne.

Au nord des Renardières, une quinzaine de cases aux formes plus ou moins régulières (carrées, triangulaires, parallélogrammes, rectangulaires, pentagonales) ont été bâties en contre-bas du chemin reliant le lieu-dit (situé à 350 mètres au sud du site) au Pré-de-l'eau. Situées à 780 mètres d'altitude, ces habitations sont semi-enterrées et protégées par un talus de terre.

 

À 1,4 Km à vol d'oiseau de ce lieu se trouve une autre agglomération désertée. Au Cheix, au nord de Méjanesse, furent construites une vingtaine de cases semi-enterrées orientées au versant sud d'une colline (dont le sommet culmine à 951 mètres d'altitude) qui devait elle-même être surmontée d'une résidence seigneuriale. Les docteurs CHARVILHAT et DEMARTY ont qualifié le site comme "l'agglomération la plus importante de ce type en Auvergne" (le site s'étend sur près de 3500 mètres carré). Les cases sont bâties en pierres sèches dans une forme comparable à celles des Renardières avec des murs de 80 cm d'épaisseur en moyenne. Cependant, en dehors d'un relevé LIDAR (scanner aérien) effectué en avril 2018 sous l'égide du CRAIG, le site n'a jamais été fouillé et fait l'objet de dégradations lors de l'exploitation de la forêt recouvrant aujourd'hui les vestiges. Les récits locaux laissaient supposer l'existence sur le site de Méjanesse d'une motte castrale à cet emplacement, ce que l'acquisition LIDAR (ci-dessous) a confirmé sur la butte surplombant le village.

    

 

La terminologie "Cher" ou "Cheir" déignait en langue locale un endroit rocailleux. Selon une toponymie pré-celtique, "cheix" et "cheire" ont pour racine "car", c'est à dire pierre, rocher et par définition le lieu empierré. Le site de Cheix est par ailleurs appelé "Les Chazaloux" dans l'état des propriétaires de 1826 ; ce terme local générique, que l'on retrouve comme nom actuel du village abandonné de Villevielle situé à Saint-Pierre le Chastel (63), désignait autrefois un ensemble de maisons en ruine (du singulier chazal).

Ces sites peuvent être comparés, selon certains auteurs, aux agglomérations voisines de Brion, des Chastelets et de Loubeyre (La Godivelle), de Servières (Vernines), des Yvérats (Compains), de Rioubes-Haut et La Griffe (Besse), de La Fraud (Saint-Alyre), de Villars (Orcines), de Cotteuges (Trizac), etc.

Carte du site des Chazaloux          Site de Rocherousse © Cliché Gabriel FOURNIER  

Dans sa "Statistique monumentale du département du Puy-de-Dôme", Jean-Baptiste BOUILLET indique que "sur la droite de la route de Clermont à Bort, entre Saint-Sauves et Tauves, près du hameau de Méjannès, on voit encore un de ces points qui ont dû servir de centre de réunions pour les vieux habitants de l'Auvergne, dans les moments d'invasion. Des cases comme le camp des Chazaloux sont formées par des murs en pierres sèches. Le lieu porte le nom de Cheix. Les anciens habitants du pays que nous avons consultés, n'ont jamais entendu parler de la destination de ces espèces d'habitations".

D'après l'état actuel des recherches, il s'agit de hameaux désertés de l'époque médiévale ; pour des raisons diverses, des villages permanents se sont déplacés au gré des zones de culture ou des pillages (notamment des troupes installées aux châteaux de la Roche Vendeix et de Sanadoire qui écumaient la région) afin de bénéficier de la protection d'une forteresse ou encore la proximité d'un moulin. Aussi, il semble que ces sites aient été occupés du XIème au XIIème siècles, voire pour certains jusqu'au XVIIème siècle.

Ces habitations ne disposaient pas de murs pignons et étaient recouvertes de paille ou de chaume reposant sur une charpente à crück possédant une pente de l'ordre de 40°. L'élévation des murs pignons devait être assurée par une construction en bois. Des plaques foyères en pierre portant des traces de suie et des fragments de poteries ont été retrouvés lors des fouilles de sites analogues. Enfin, l'accès au village était assuré par un chemin dont les sentiers aujourd'hui présents doivent reprendre le tracé originel.

Reconstitution © Dessin Pascal COMBES

Malgré la connaissance de ces sites depuis le XIXème siècle, ceux-ci ont fait l'objet de plusieurs investigations ; parfois considérées comme des vestiges de villages "celtiques" ou néolithiques, ces structures ont également été pressenties comme d'origine "templière" ou refuges temporaires à l'époque des invasions barbares aux V et VIèmes siècles avec la découverte d'une meule de l'époque mérovingienne, prés des Renardières. Les spéculations restent nombreuses, faute de fouilles... et de protection des sites. Cependant, à quelques centaines de mètres des ruines de Cheix, il a été découvert une petite statuette en bronze d'époque gallo-romaine représentant un cervidé (vendue à un curiste de la Bourboule au début du XXème siècle) Cf. Annet VEYSSIERE, l'Avenir du plateau central du 24 août 1930

Ces agglomérations doivent être distinguées des tras ou "peignes", vestiges d'abris pastoraux typiques des régions du Sancy et du Cézallier établis entre les XVème et XVIIIème siècles, habitations saisonnières, parsemant aujourd'hui les herbages d'estives sous formes d'alignements de cavités jointives. Quatre zones de tras ont été dénombrées sur la commune de Saint-Sauves : Pédaire, La Poucinière, au sud de Liournat et sur la montagne de Charlannes (plan et photo ci-dessous), à des altitudes situées globalement entre 1070 et 1200 mètres.

Carte du site de Charlannes    

À lire

Thibault FOURIS

icone